- NÉVROPTÉROÏDES
- NÉVROPTÉROÏDESDans le super-ordre des Névroptéroïdes sont réunis trois ordres d’Insectes: Mégaloptères, Rhaphidioptères et Planipennes, entre lesquels est répartie la majeure partie des espèces qui formaient l’ancien ordre des Névroptères suivant la conception linnéenne. Les Névroptéroïdes sont considérés comme les plus primitifs des Holométaboles. Ils ont des pièces buccales broyeuses et possèdent quatre ailes de grandes dimensions assez semblables et souvent indépendantes les unes des autres. Leur nervation est primitive et composée de grandes nervures typiques reliées par des nervures transverses qui délimitent de nombreuses cellules. Les larves sont très différentes des adultes et vivent beaucoup plus longtemps qu’eux; elles sont beaucoup plus variées que les adultes et l’étude de leurs adaptations présente un grand intérêt; la plupart sont terrestres, mais il existe des formes aquatiques qui possèdent des trachéobranchies. À l’état adulte comme à l’état larvaire, les Névroptéroïdes sont tous carnassiers.Les trois ordres de Névroptéroïdes sont d’importance très inégale. Les Mégaloptères sont très communs au bord des eaux et leurs larves sont aquatiques. Ils n’ont aucune importance économique mais constituent un matériel expérimental d’un élevage facile. Les Rhaphidiens sont au contraire fort rares. Leur thorax, très allongé, leur confère un aspect tout à fait caractéristique. Bien qu’ils soient carnivores, ils ne jouent aucun rôle appréciable en raison de leur faible puissance de prolifération. Les Planipennes, en revanche, sont les plus remarquables des Névroptéroïdes par l’intérêt scientifique qu’ils présentent et par leur rôle dans les équilibres biologiques. Les mœurs carnassières du fourmilion sont célèbres. Les chrysopes, moins connues, détruisent beaucoup de pucerons à l’état adulte et surtout à l’état larvaire; elles doivent donc être rangées parmi les insectes utiles.Mégaloptères. Un exemple: «Sialis lutaria»Les Sialis sont des Insectes de 1 à 2 cm de long, de couleur noire, aux ailes enfumées repliées en toit sur le dos; leur vol est lourd et on les trouve en abondance au bord des eaux. La ponte se fait en avril-mai sur les plantes des bords des rivières. Chaque ponte comprend plusieurs centaines d’œufs cylindriques collés à l’une de leurs extrémités et disposés côte à côte en groupes de plusieurs centaines. La jeune larve déchire le chorion grâce à un organe spécial, le ruptor ovi ; elle est très agile (type campodéiforme) et gagne l’eau immédiatement. Elle est pourvue de sept paires de trachéobranchies abdominales simples qui se compliqueront et deviendront plumeuses au cours du développement. Selon Dubois et Geigy (1935), elle mue sept fois au cours d’une première année et trois fois seulement au cours de la deuxième; au dixième stade, elle passe le second hiver; au printemps suivant, elle quitte l’eau pour se métamorphoser en terre. La nymphe est nue et sa transformation en adulte dure de cinq à sept jours seulement. L’adulte ne vit que quelques jours.Les Sialis n’ont aucune importance économique; les larves et quelquefois les imagos servent d’appât pour la pêche, car ils constituent un des éléments naturels de l’alimentation des poissons. C’est un excellent matériel pour certaines recherches embryologiques et biologiques, car cette espèce abonde partout et la larve s’élève facilement.L’œuf a servi à des études d’embryologie expérimentale. Par des expériences de ligatures et de brûlures, Dubois (1936-1938) a montré que dans les six premières heures le développement est sous la dépendance d’un centre d’activation localisé dans le tiers postérieur; à ce moment l’œuf n’est donc pas déterminé. Il le deviendra plus tard. Quant à la larve, elle a servi à Geigy et Ochsé (1940-1949) à des expériences de ligatures destinées à montrer le mécanisme endocrine de la métamorphose.PlanipennesLes Planipennes sont des Insectes à ailes transparentes remarquables par l’abondance des nervures transversales et des rameaux longitudinaux qui les fragmentent parfois en une multitude de cellules. La taille des adultes est extrêmement variable et va de quelques millimètres, chez les Conioptérygidés, à sept ou huit centimètres, chez certains fourmilions ; de même leur coloration: si certaines espèces restent ternes, les chrysopes ont une couleur vert pâle tandis que les ascalaphes des pays méditerranéens ont de belles ailes jaunes tachées de noir. Cependant leur aspect général est assez uniforme, à l’exception de Drepanopteryx qui ressemble curieusement à une feuille morte légèrement abîmée sur les bords. Les larves des Planipennes sont encore plus remarquables et plus variées que les adultes. Elles sont très mobiles, de type campodéiforme, et prédatrices. Aussi leurs pièces buccales parfois démesurément allongées sont-elles adaptées à la capture des proies et à la succion. Les nombreuses coaptations qui accompagnent ces pièces buccales, l’intestin moyen, toujours clos, qui ne s’ouvre qu’à la métamorphose, les tubes de Malpighi cryptonéphridiés et leur rôle dans la sécrétion de la soie sont autant de particularités qui montrent le grand intérêt scientifique de ces curieux insectes.Le cycle évolutif d’un type: la chrysope (Chrysopa carnea)L’adulte (fig. 1) est un insecte de 1,7 cm environ, aux ailes diaphanes d’un beau vert pâle et aux longues antennes mobiles, qui pénètre souvent le soir dans les habitations, attiré par les lumières. L’hivernation a lieu à l’état adulte et les individus en hivernation qu’on trouve parfois en abondance dans les greniers prennent une teinte beige rosâtre. La ponte se produit dès les premiers beaux jours et les œufs sont déposés sur les végétaux. Ils sont placés à l’extrémité d’un long pédoncule, fin comme un cheveu, sécrété par l’abdomen de la femelle. L’incubation dure une dizaine de jours et les larves qui en éclosent sont, de même que les adultes, de grands prédateurs de pucerons. Elles s’en emparent grâce à leurs pièces buccales différenciées en un puissant organe de capture des proies, très voisin de celui qu’on décrit classiquement chez le fourmilion. Ces pièces buccales sont placées en avant de la tête en position prognathe. Les mandibules et les maxilles recourbées vers l’intérieur forment deux stylets puissants, pouvant s’écarter latéralement ou se resserrer sur la proie, comme les mors d’une pince. Les maxilles formées d’une seule pièce sont dépourvues de palpe maxillaire. Au contraire, le labium n’est pas transformé et possède des palpes labiaux normaux. La mandibule et la maxille constituent un organe unique de capture et d’aspiration des sucs organiques que contiennent les proies. Elles sont toutes deux creusées d’une demi-gouttière sur toute la longueur de leur face interne; un système de coaptation précis assure leur coalescence et l’étanchéité du tube de succion.Particularités anatomiquesAdaptation des pièces buccales à la capture des proiesOn a déjà signalé l’organe de préhension que forment les stylets buccaux de la chrysope (fig. 2), creusés d’un vaste canal alimentaire qui leur permet l’aspiration des sucs internes de leur proie. La perfection de ces organes est poussée fort loin et il existe, outre des muscles aspirateurs, des glandes venimeuses qui déversent leur sécrétion dans un minuscule canal qui court sur le côté de la maxille. Mais l’aspiration du liquide interne des proies est encore facilitée par la structure de la bouche (cibarium) de l’insecte qui est obturée en son milieu par une coaptation qui soude l’hypopharynx à l’épipharynx; le tube digestif ne s’ouvre donc plus que par deux orifices latéraux qui se trouvent en rapport avec les canaux alimentaires des stylets. On retrouve des pièces buccales tout à fait identiques mais plus puissantes chez la larve du fourmilion qui, tapie au fond de son entonnoir de sable meuble, capture les imprudentes proies qui se sont laissées prendre à son piège et qui se débattent parfois vigoureusement. Il existe de nombreuses autres variantes chez les autres formes. Les Conioptérygidés, par exemple, ont des stylets buccaux très courts. Chez l’osmyle, qui vit au bord des ruisseaux, ils sont au contraire très longs, rectilignes et non préhensiles; ils transpercent les proies comme une dague et les tuent instantanément grâce à l’injection massive d’un poison sécrété par les glandes maxillo-mandibulaires, beaucoup plus développées que chez les autres espèces. Enfin la sisyre est pourvue de stylets buccaux longs et filiformes adaptés à pénétrer au plus profond des éponges d’eau douce qui constituent leur nourriture exclusive.Les tubes de Malpighi. Le cryptonéphridisme et la récupération de l’eauLe tube digestif des larves de Planipennes présente une curieuse particularité: l’intestin moyen (ou ventricule chylifique) est clos et reste sans communication (jusqu’à la nymphose) avec l’intestin postérieur. C’est donc tout à fait au début de l’intestin postérieur que s’insèrent les tubes de Malpighi, au nombre de huit (sauf chez l’osmyle qui n’en possède que sept); parmi eux, deux seulement se terminent librement dans la cavité du corps (fig. 3). Les autres (généralement six) sont cryptonéphridiés, c’est-à-dire que leur extrémité distale vient s’insérer dans un repli de l’ampoule rectale (organe piriforme de Lozinski). On admet le plus souvent que ce dispositif permet un desséchement des excreta et une récupération de l’eau par les tubes de Malpighi au niveau de l’ampoule rectale; il est donc considéré comme une adaptation anatomique et physiologique indispensable aux insectes vivant dans des milieux très secs. Cette interprétation s’accorde bien avec l’écologie du fourmilion qui vit dans les sables meubles et secs. Elle n’est pas admise par tous les auteurs, parce que certaines larves (de Coléoptères, de Lépidoptères et autres Insectes) qui vivent dans des milieux d’humidité normale ou saturée et qui disposent d’une nourriture riche en eau présentent malgré cela des cas de cryptonéphridisme. J. Gaumont, qui a étudié les variations du cryptonéphridisme des différentes larves de Planipennes en fonction de leur écologie, conclut cependant que ce dispositif anatomique joue certainement un rôle dans le circuit de l’eau, car elle constate que le cryptonéphridisme est très développé chez toutes les espèces terrestres (même chez l’osmyle qui vit au bord des ruisseaux dans une humidité relative de 95 p. 100), mais qu’il disparaît chez les deux espèces aquatiques: Sisyra fuscata, qui ne possède plus qu’un seul tube de Malpighi cryptonéphridié représentant un organe résiduel, et Neurorthus fallax des torrents de Corse, dont tous les tubes de Malpighi sont libres.La sécrétion de soieOutre leur fonction excrétrice, les tubes de Malpighi des larves acquièrent le rôle d’organe séricigène. À partir d’un certain âge, leur portion proximale change d’aspect: les cellules grossissent et leurs noyaux deviennent géants, ramifiés et arachnoïdes; ils prennent un aspect tout à fait comparable à celui des noyaux des glandes séricigènes des Lépidoptères (P. Lozinski, 1921; J. Gaumont, 1965 et 1976). La soie sécrétée par cette portion des tubes de Malpighi se déverse dans l’intestin postérieur et est émise par le rectum qui sert de filière.L’adaptation à la vie aquatiqueDeux genres de Planipennes seulement, Sisyra et Neurorthus , ont des larves aquatiques (fig. 4). Les larves de Sisyra fuscata sont en association constante avec les éponges d’eau douce qui leur servent de nourriture. Leur respiration se fait grâce à sept paires de trachéobranchies abdominales toujours en mouvement, qui utilisent directement l’oxygène dissous dans l’eau. Les stigmates qui coexistent avec les branchies restent clos durant toute la vie larvaire et n’entrent en activité qu’au moment de la nymphose, simultanément avec la disparition des trachéobranchies et l’acquisition de la vie aérienne. La larve de Neurorthus fallax n’est connue que des torrents des montagnes de Corse et de Sardaigne (P. Zwick, 1967; J. Gaumont, 1968). Son prothorax allongé en une sorte de long cou mobile lui donne un curieux aspect. Elle est complètement dépourvue de trachéobranchies et utilise l’oxygène de l’eau directement à travers le tégument. Ces deux espèces ne survivent que dans des eaux richement oxygénées.
Encyclopédie Universelle. 2012.